Au Brésil, l’instabilité de Petrobras mise en évidence par un nouveau changement de direction (2024)

Encore un changement de direction pour Petrobras. Le 24mai, l’ingénieure Magda Chambriard, 66ans, a été nommée à la tête du géant pétrolier par le président Luiz Inacio Lula da Silva (dit Lula), après le limogeage, dix jours plus tôt, de l’ancien sénateur du Parti des travailleurs Jean Paul Prates. Ce dernier dirigeait l’entreprise depuis le 26janvier2023. Magda Chambriard devient ainsi sa sixième présidente en seulement trois ans.

L’instabilité à la direction de Petrobras, valorisée à quelque 90milliards d’euros, met en évidence les difficultés de gouvernance auxquelles fait face la multinationale brésilienne. Fondée en1953 par le président nationaliste Getulio Vargas (1934-1945 et 1951-1954), l’entreprise a d’abord été un monopole étatique avant d’ouvrir son capital en1997, dans le cadre d’une vague de privatisations menée sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso (1995-2003).

Ce modèle «mixte», où l’Etat garde une participation majoritaire (28,67% du capital social de l’entreprise et 50,26% des actions ordinaires), contraint ses dirigeants à répondre aux projets du gouvernement en place, tout en contentant l’appétit de ses investisseurs privés. «Au moindre désaccord entre les deux camps, le gouvernement finit toujours par changer le président de l’entreprise», constate Pedro Rodrigues, directeur du Centre brésilien d’infrastructures, une société de conseil spécialisée dans les énergies fossiles.

Ainsi, le départ de Jean Paul Prates fait suite à un différend avec Lula lié à son approbation, le 25avril, du versem*nt de 22milliards de reais (près de 4milliards d’euros) de dividendes extraordinaires au titre de l’année 2023 – le deuxième exercice le plus lucratif de l’histoire de l’entreprise avec 24,8milliards de dollars (23,05milliards d’euros) de bénéfices.

L’ancien métallurgiste aurait préféré que Petrobras profite de ses résultats florissants pourinvestir dans des secteurs favorables à la croissance économique du pays et la création d’emplois: l’augmentation de la capacité de raffinement de l’entreprise afin de permettre au Brésil de réduire l’importation de biens dérivés du pétrole, des projets liés à la transition énergétique et la reconstruction de l’industrie navale.

Pertes record

Lula conçoit Petrobras comme «un instrument pour réaliser des politiques publiques», analyse Pedro Rodrigues. Cette vision du rôle de l’entreprise avait été abandonnée suite à la destitution de Dilma Rousseff en2016. Lors de sa deuxième présidence (2014-2016), Petrobras a fait face à un scandale de corruption massif et des problèmes financiers provoqués par la chute du cours du pétrole et l’explosion de l’endettement. En2015, l’entreprise avait enregistré des pertes record de 34,8milliards de reais (6milliards d’euros).

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